Loi travail : décision du Conseil constitutionnel

Par - Le 08 août 2016.

La Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi travail », a donné lieu à saisine du conseil constitutionnel par des sénateurs et des députés.

Cette saisine portait sur la conformité de la Constitution avec la procédure d'adoption de la loi et sur le texte de loi. Le conseil constitutionnel censure plusieurs dispositions de cette loi dont la modification des règles d'utilisation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Certaines réserves sont également apportées à la loi. Le Conseil constitutionnel valide donc le reste la loi travail.

Le Centre-Inffo organise une matinée d'actualité sur la loi "travail" : le volet sécurisation des parcours professionnels. Elle aura lieu le Mardi 20 septembre 2016, de 9h à 13h à l'ASIEM, 6 rue Albert de Lapparent, 75007 PARIS.
Pour en savoir plus : http://www.centre-inffo.fr/agenda-de-nos-evenement

Sur la mise à disposition de locaux au profit d'organisations syndicales par une collectivité territoriale ou leurs groupements (Article 27 de la Loi)

Le recours considérait que le droit à indemnisation institué au profit des organisations syndicales lorsque la collectivité territoriale ou leurs groupement décide de retirer à l'organisation syndicale la disposition de locaux dont elle avait bénéficié pendant plus de cinq ans sans lui proposer des locaux de substitution portait notamment atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant de préciser les éléments de calcul de cette indemnité.

Le conseil constitutionnel considère qu'en prévoyant que les collectivités territoriales et leurs groupements ont la faculté, de mettre des locaux à la disposition d'organisations syndicales, le législateur ne crée aucune obligation susceptible de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Toutefois le conseil constitutionnel apporte une réserve et une censure :
1) Sur l'indemnité due à une organisation syndicale à raison de l'interruption de la mise à disposition de locaux qu'elle occupait depuis plus de cinq ans sans que la collectivité territoriale ou le groupement lui propose des locaux de substitution, le conseil constitutionnel apporte une réserve : l'indemnité ne saurait excéder le préjudice subi à raison des conditions dans lesquelles il est mis fin à l'usage de ces locaux.
2) Le conseil constitutionnel considère que la rétroactivité de cette disposition n'est ni justifiée par un motif impérieux d'intérêt général ni qu'elle réserve le cas des décisions de justice ayant force de chose jugée, que ces dispositions portent aux conventions légalement conclues une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Par conséquent, les dispositions du paragraphe III de l'article 27 sur la rétroactivité de ce droit sont contraires à la Constitution et ce paragraphe est censuré.

Sur la mise en place, dans les réseaux d'exploitants d'au moins trois cents salariés en France, liés par un contrat de franchise, d'une instance de dialogue social commune à l'ensemble du réseau (Article 64 de la Loi)

Le recours considérait notamment que les dispositions de l'article 64 méconnaissaient le principe d'égalité, la liberté d'entreprendre, le droit des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail.
Le conseil constitutionnel considère que les dispositions de l'article 64 ne méconnaissent pas le principe d'égalité : la différence de traitement entre les réseaux d'exploitants liés par un contrat de franchise et les autres formes juridiques de réseaux commerciaux est en rapport avec l'objet de la loi tendant à prendre en compte, par la création d'une instance de dialogue social, l'existence d'une communauté d'intérêt des salariés des réseaux de franchise.

Le conseil constitutionnel considère que les dispositions de l'article 64 ne méconnaissent pas la liberté d'entreprendre. Le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général en permettant aux représentants des salariés des employeurs franchisés d'être informés des décisions du franchiseur de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés et de formuler des propositions. La mise en place de cette instance ne s'impose que si trois conditions sont réunies. D'autre part, cette instance peut uniquement recevoir des informations relatives à l'action du franchiseur et formuler des propositions de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés du réseau, sans participer par elle-même à la détermination des conditions de travail des salariés.

Le conseil constitutionnel considère que les dispositions de l'article 64 n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à l'existence et au fonctionnement des instances représentatives du personnel des franchisés et franchiseurs. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail et à la gestion de leur entreprise doit être écarté.

Toutefois le conseil constitutionnel apporte deux réserves et une censure :
1) Les entreprises franchisées doivent pouvoir participer à la négociation de l'accord mettant en place l'instance de dialogue social fixe, outre sa composition, le mode de désignation de ses membres, la durée de leur mandat et la fréquence des réunions, les heures de délégation accordées aux salariés des franchisés pour y participer ainsi que leurs modalités d'utilisation.
2) Le législateur a méconnu la constitution en autorisant le pouvoir réglementaire à prévoir, pour la participation à cette instance, des heures de délégation supplémentaires, s'ajoutant à celles déjà prévues pour les représentants des salariés par les dispositions législatives en vigueur.
3) Porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et est donc contraires à la constitution la disposition selon laquelle les dépenses d'organisation des réunions ainsi que les frais de séjour et de déplacement sont mis à la charge du franchiseur sauf si les parties en conviennent différemment. Les mots « ou, à défaut, par le franchiseur » figurant au sixième alinéa de l'article 64 sont donc censurés.

Trois articles sont également censurés à raison car adoptés selon une procédure contraire à la Constitution (il s'agit de cavalier ou d'entonnoirs législatifs) :
1) La possibilité pour l'employeur d'assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire santé de certains salariés par le versement d'une somme destinée à couvrir une partie de leurs cotisations à un contrat individuel au-delà du 31 décembre 2016 (Article 62 de la Loi).
2) La possibilité pour certaines entreprises de moins de cinquante salariés de déduire de leurs résultats imposables une somme correspondant aux indemnités susceptibles d'être ultérieurement dues à leurs salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Article 65 de la Loi).
3) La modification des règles d'utilisation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (Paragraphe III de l'Article 39 de la Loi).

Sur la procédure d'adoption de la loi, le recours considérait l'usage du 49-3 comme un non-respect du débat parlementaire. Le conseil constitutionnel considère que les conditions posées par la Constitution à la mise en œuvre, pour l'examen du texte ont été respectées : une seule délibération du conseil des ministres suffit pour engager, lors des lectures successives d'un même texte, la responsabilité du Gouvernement qui en a ainsi délibéré. Aussi le recours considérait que la brièveté des délais d'adoption de la loi n'avait pas permis aux députés d'exercer effectivement le droit d'amendement. Le conseil constitutionnel considère que les délais retenus, à l'Assemblée nationale, pour le dépôt des amendements en commission et en séance publique, n'ont pas fait obstacle à l'exercice effectif par les députés de leur droit d'amendement ni altéré la clarté et la sincérité des débats.

Décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016