L'obligation de formation sous le regard des juges du fond

Plusieurs décisions rendues en 2016 par les juridictions d'appel, confirment les contours de l'obligation de formation.

Par - Le 29 septembre 2016.

Rappel des textes applicables

C'est au visa de l'article L6321-1 du Code du travail qui prévoit que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations, que les Cours d'appel d'Angers (1er mars 2016), de Basse Terre (27 juin 2016), de Bastia (25 mai 2016) condamnent l'employeur pour non respect de l'obligation de formation.

La Cour d'appel de Basse Terre précise dans sa décision que "l'employeur n'a pas mis en oeuvre, à l'égard (du salarié) de formation telle que prescrite par l'article L6321-1 du Code du travail, en rapport avec son poste de travail et avec l'évolution possible de son emploi".

Appréciation du respect de l'obligation de formation au regard de l'ancienneté du salarié et du nombre de formations suivies

Ne respecte pas l'obligation de formation l'employeur qui, pendant les 30 années de service de son salarié ne lui a fait bénéficié que de 3 jours de formation (Cour d'appel d'Angers, 1er mars 2016 et Cour d'appel de Basse terre, 27 juin 2016).

En revanche, pour les juges de la Cour d'appel de Poitiers (22 juin 2016) "si le fait qu'un salarié n'ait bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de son emploi dans l'entreprise s'étant étendue sur plusieurs années caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper son emploi, et cause nécessairement à ce salarié un préjudice, en l'espèce il ne peut être fait grief à la société d'avoir manqué à ses obligations en la matière puisque la salariée n'a travaillé que durant 2, 5 ans pour son compte et a bénéficié d'une formation au cours de cette période".

Ces mêmes juges avaient déjà décidé le 2 mars 2016 de ne pas retenir la responsabilité de l'employeur dans le cas d'un salarié qui sur ses 11 ans de service avait bénéficié de 6 actions de formation.

Contours de la formation d'adaptation au poste de travail

Les juges de la Cour d'appel de Basse Terre (27 juin 2016) n'hésitent pas à analyser le choix par l'employeur des formations suivies par le salarié au regard de l'obligation qui pèse sur l'employeur.

En effet, sur les deux formations dont a bénéficié le salarié sur l'ensemble de sa carrière, ils relèvent que la première d'une durée de 7 heures avait pour thème " risque sismique et évacuation " et la seconde d'une durée de 14 heures, " optimiser sa communication avec ses clients ". Selon les juges "si la première est certainement utile pour une entreprise implantée en Guadeloupe, seule la seconde correspond aux prescriptions de L6321-1 du Code du travail, encore qu'elle n'ait pas de lien direct avec les fonctions exercées par le salarié, celui-ci ayant sollicité en avril 2011 une formation au sujet de " la gestion informatique du stock ", qu'il n'a pas obtenue par la suite, mais qui était plus en rapport avec l'emploi occupé'. Il ressort de l'ensemble de ces constatations que l'employeur n'a pas mis en oeuvre, à l'égard (du salarié), de formation telle que prescrite par l'article L6321-1 du Code du travail, en rapport avec son poste de travail et avec l'évolution possible de son emploi.

Quant aux juges de la Cour d'appel d'Angers, ils observent que l'employeur ne produit pas de plan de formation.

Enfin, les juges de la Cour d'appel de Bastia considèrent que "l'employeur ne justifie pas de façon suffisante avoir assuré à son salarié la formation nécessaire pour lui permettre de s'adapter à l'évolution de son emploi, puisqu'il ne produit pas d'éléments objectifs et précis sur ce point alors même qu'il avait intensifié, sous forme de rappels d'objectifs son contrôle sur les résultats obtenus par le salarié. Pour les juges "ces exigences fortes et concentrées dans le temps ne s'accompagnaient pas d'une interrogation sur l'adaptation (du salarié) à son emploi".

Préjudice distinct du licenciement

Les juges d'Angers (1er mars 2016) rappelle qu' "au regard de l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi" le manquement de l'employeur "dans l'exécution du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui résultant de sa rupture".

Cour d'appel de Basse-Terre, 27 juin 2016

Cour d'appel de Poitiers, 22 juin 2016

Cour d'appel de Bastia, 25 mai 2016

Cour d'appel de Poitiers, 2 mars 2016

Cour d'appel Angers, 1er mars 2016