Listes éligibles au CPF : attention au risque de contentieux (Jean-Marie Luttringer)

Par - Le 08 juillet 2014.

Les futurs 25 millions de titulaires de compte personnel de formation vont bientôt le découvrir, ils ne pourront pas puiser à loisir dans leur capital. Souhaitée par les partenaires sociaux et entérinée par la loi du 5 mars 2014, cette restriction n'est pas sans soulever « quelques questions juridiques à propos de l'"orientation" du choix de la formation des titulaires d'un Compte personnel de formation par des répertoires, socles, listes et inventaires », ainsi que le titre la dernière chronique du juriste consultant Jean-Marie Luttringer, cosignée avec Sébastien Boterdael (Semaphores).

Là où les logiques d'éducation permanente entraînaient « le libre choix de la formation par la personne », le CPF et sa finalité de qualification tournée vers l'emploi justifient « l'encadrement et l'orientation » du dispositif, estiment en préambule les auteurs. Pour ces derniers, il s'ensuit que la création d'un droit opposable à des tiers suppose de prévoir une certaine sécurité juridique des procédures qui régiront l'accès aux différentes listes, répertoires et inventaires. Ceci, car étant « génératrices de droits et d'obligations (...), elles peuvent par conséquent être source de contentieux », avertit la chronique. En raison de la « polysémie » de la notion même de « qualification » à laquelle renvoie le CPF, il apparaît nécessaire de distinguer les différents types de formation auxquelles pourront prétendre les quelques 25 millions d'actifs.

Viennent d'abord les répertoires, liste et inventaires relevant du droit public. À cet égard, si le répertoire national des certifications professionnelles ne pose pas de problème particulier, il n'en va pas de même pour l'inventaire des compétences transversales dont la publication a été confiée à la CNCP[ 1 ]Commission nationale de la certification professionnelle. par la loi du 24 novembre 2009. Arrêt de la Cour de cassation à l'appui, les auteurs pointent les risques de conflit qui pèsent sur certaines habilitations ou certifications de marché dont on peut se demander si elles sont fondées à relever des formations qualifiantes éligibles ou incombent à « l'obligation qui pèse sur l'employeur d'assurer l'adaptation du salarié et de veiller à sa capacité à occuper un emploi, en principe non éligibles au CPF ». Risque de contentieux, également, avec « le nouveau socle de compétences et de connaissances », à propos duquel les chroniqueurs soulignent que « la question de l'opposabilité à un employeur ou à un financeur pourra se poser en fonction du niveau de qualification du titulaire du CPF ». Enfin, les listes des Conseils régionaux posent elles « la question d'un droit opposable à un premier niveau de qualification dans le cadre du service public régional de l'orientation et de la formation professionnelles. »

Pour les listes relevant du droit de la négociation collective, les auteurs relèvent d'abord que pour acquérir une véritable « existence et valeur juridique », les CQP [ 2 ]Certificat de qualification professionnelle. et CQPI [ 3 ]Certificat de qualification professionnelle inter-branches. se doivent d'être « validés sous la forme d'un avenant à un accord de branche sur la formation, et le cas échéant soumis à la procédure d'extension ». Face au risque similaire de légitimité normative qui pèse sur les listes paritaires, les auteurs évoquent les listes « à défaut d'accord de branche », dont la constitution repose sur des accords collectifs et non sur des commissions paritaires.

Enfin et après avoir argué que la procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE) constitue en soi un « filtre » conforme à l'esprit du CPF, Jean-Marie Luttringer et Sébastien Boterdael soulignent qu'il n'en va pas de même pour le congé individuel de formation (CIF). En l'absence de critères de financement du CIF calqués sur ceux du CPF, « le FPSPP en charge de refinancer les Opacif dans ce cas de figure serait fondé à refuser son intervention », avertissent-ils.

Nicolas Deguerry

Article paru dans Le Quotidien de la Formation du 17 juin 2014.

Notes   [ + ]

1. Commission nationale de la certification professionnelle.
2. Certificat de qualification professionnelle.
3. Certificat de qualification professionnelle inter-branches.